Les imprécises indemnités de remboursement anticipé sur les crédits à la consommation

La récente loi portant réforme du crédit à la consommation, dite « loi lagarde », était censée améliorer la protection de l’emprunteur en transposant la directive européenne dans le droit français.

En ce qui concerne les pénalités ou indemnités de remboursement anticipé (IRA), on assiste à un petit recul de la réglementation. Actuellement, aucune indemnité n’est due dans cette situation. A partir du 1er mai 2011, il sera possible à un prêteur d’appliquer des pénalités jusqu’à 1% du remboursement effectué, sous certaines conditions.

Plusieurs seuils prévus dans la loi ont été publiés par décrets au JO du 2 décembre 2010. Comme d’habitude, dans un communiqué, Christine Lagarde « se félicite » de la publication de ces décrets mais fait complètement l’impasse sur le remboursement anticipé. Il est passé sous silence. C’est pourtant une évolution défendable car cette pénalité reste faible mais surtout ce sont désormais les prêts jusqu’à 75.000 euros qui bénéficieront du cadre légal du crédit à la consommation (contre 21.500 euros actuellement). Aujourd’hui, un prêt de 35.000 euros peut prévoir des pénalités de remboursement, à compter de l’année prochaine, elles seront strictement encadrées.

Enfin, « strictement », c’est beaucoup dire, car le texte comporte des imprécisions, et cela pourrait être la source de litiges.

Voici la rédaction du nouvel article L311-22 du code de la consommation :

L’emprunteur peut toujours, à son initiative, rembourser par anticipation, en partie ou en totalité, le crédit qui lui a été consenti. Dans ce cas, les intérêts et frais afférents à la durée résiduelle du contrat de crédit ne sont pas dus.

Aucune indemnité de remboursement anticipé ne peut être réclamée à l’emprunteur dans les cas suivants :

  1. En cas d’autorisation de découvert ;
  2. Si le remboursement anticipé a été effectué en exécution d’un contrat d’assurance destiné à garantir le remboursement du crédit ;
  3. Si le remboursement anticipé intervient dans une période où le taux débiteur n’est pas fixe ;
  4. Si le crédit est un crédit renouvelable au sens de l’article L. 311-16.

Dans les autres cas, lorsque le montant du remboursement anticipé est supérieur à un seuil fixé par décret, le prêteur peut exiger une indemnité qui ne peut dépasser 1 % du montant du crédit faisant l’objet du remboursement anticipé si le délai entre le remboursement anticipé et la date de fin du contrat de crédit est supérieur à un an. Si le délai ne dépasse pas un an, l’indemnité ne peut pas dépasser 0, 5 % du montant du crédit faisant l’objet d’un remboursement anticipé. En aucun cas l’indemnité éventuelle ne peut dépasser le montant des intérêts que l’emprunteur aurait payés durant la période comprise entre le remboursement anticipé et la date de fin du contrat de crédit convenue initialement.

Aucune indemnité autre que celle mentionnée au présent article ni aucuns frais ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur en cas de remboursement par anticipation.

Déjà quelques remarques :

  • Les IRA sur le crédit renouvelable (revolving) seront interdites.
  • Les IRA sur le crédit à taux révisable (compte à découvert ?) seront possibles (le crédit à taux révisable étant composé de périodes successives où le taux est fixe)
  • Il est dommage de ne pas avoir précisé que l’indemnité devait être prévue dans le contrat de prêt (comme c’est le cas du L312-21 pour le crédit immobilier).
  • Les IRA seront possibles sans limitation sur les LOA (l’article L311-22-1 précise que le L311-22 n’est pas applicable aux opérations de location avec option d’achat.)

En ce qui concerne le seuil, il est précisé dans le décret 2010-1462. Extrait :

Il est inséré un article D. 311-6 ainsi rédigé :
« Art.D. 311-6.-Le seuil mentionné à l’article L. 311-22 du code de la consommation est fixé à 10.000 euros au cours d’une période de douze mois. »

NDLR du 7/6/2011 suite à signalement : l’article D.311-6 est renuméroté en D.311-14 par décret 2011-136.

Une période de douze mois ?

C’est quoi une période de douze mois ? C’est une année civile débutant le 1er janvier et se terminant le 31 décembre ? Ce sont les douze mois débutant à chaque anniversaire du contrat de prêt ? Ou alors ce sont les douze mois qui précédent un remboursement ?

Mais comme c’est du réglementaire, il faut le prendre au sens premier. Il faut comprendre au cours de toute période de douze mois.

Par exemple, un remboursement de 6.000 euros en février et 6.000 euros en septembre de la même année. Le deuxième serait alors taxable. Mais en appliquant l’article de manière stricte, ce deuxième remboursement rendrait rétroactivement taxable le premier.

Bien sûr, c’est un raisonnement un peu absurde. Mais il n’est dit nulle part que cette indemnité doit être réglé lors du remboursement anticipé. Il aurait été bien préférable de qualifier précisément cette période.

Le seuil n’est pas déduit de la base de calcul des indemnités

Si le seuil correspond à la condition nécessaire pour faire application des IRA, la base de calcul sera bien le montant du remboursement.

Par exemple, en faisant un remboursement de 15.000 euros (à plus d’un an de la date de fin de contrat), l’indemnité maximale sera de 150 euros (1% de 15.000).

Mais en faisant un remboursement de 10.000 euros suivi d’un remboursement de 5.000 euros, le premier sera exonéré et le deuxième sera taxable qu’à 50 euros maximum.

Sauf à faire application rétroactive du texte comme évoqué plus haut ?

5 réflexions au sujet de « Les imprécises indemnités de remboursement anticipé sur les crédits à la consommation »

  1. Quelques précisions concernant votre article. La loi Lagarde dans sont article L311-22 stipule « le prêteur peut exiger une indemnité qui ne peut dépasser 1 % du montant du crédit faisant l’objet du remboursement anticipé ». Il faut donc comprendre que le montant maximum de l’indemnité ne fait pas référence au montant du remboursement comme indiqué dans votre article mais bien sur le montant total du crédit (Le plafond ou le total des sommes rendues disponibles en vertu d’un contrat ou d’une opération de crédit (art. L311-1 8°)).
    Pour le reste et notamment la période de douze mois stipulé dans le decret c’est il est vrai assez flou

  2. Cette loi est-elle rétroactive ?
    Je rembourse un prêt contracté en 2009 avec une clause d’IRA fixée a 3%.
    si je rembourse par anticipation en 2012, suis-je obligé de payer 3% ou l’IRA Max appliquée est de 1%? sachant que le montant restant est de 30000 euros.

  3. Je suis dans le même cas : j’ai emprunté en 2006 22500 € avec une clause d’IRA à 4 %. Dois je les payer en cas de remboursement anticipé, ou 1 % maximum?

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